Carnet II de Mme Cappelle Louise née Denis pendant la guerre 14-18
                     Année 1916 .               

Samedi 1er Janvier 1916 La série des explosions continue . Elles seraient dues parait-il à une fabrication défectueuse de la poudre.
Dimanche 2 Janvier On vient visiter la chambre pour officiers.
Lundi Albert sollicite un passe port pour Courtrai. On le lui promet, sous condition de remettre à la commandanture la fameuse pièce autorisant l'exportation pour la Hollande. Que faire ! Est-il prudent de se démettre d'un tel papier ! on hésite et après avoir fait photographier l'acte , on l'abandonne à la commandanture contre un reçu.
La mort d'Antoine Vuylstehe est annoncée à ses parents. Sa mère dont il était l'unique fils ne veut pas croire la terrible nouvelle et conserve l'espoir de le revoir.
Mercredi Un officier arrive à quatre heures du matin. Il semble très méfiant et réclame les clefs de sa chambre depuis longtemps disparues.
Jeudi Il débute bien l'officier !
Cette après dinée, son ordonnance arrive porteur d'un billet ainsi tourné :
Ordre
Ouvrir l'armoire !
Lieutenant Schmidt.
L'armoire désignée se trouve dans sa chambre qui en contient d'ailleurs une seconde mise à sa disposition .
Je fais remarquer au soldat que c'est tout un déménagement que je dois opérer, ce placard étant bourré de vêtements et de cartons. Rien à faire !
Vendredi 7 Presque chaque jour, nous recevons la visite du lieutenant Knorr chargé de préparer les "Quartiers". Le nombre de nos enfants l' a ébahi à tel point que dans sa stupéfaction il nous en octroie deux en supplément. On l'entend certifier à ses compagnons : " Il y a huit enfants ici ".
Samedi Chez mes beaux parents, les officiers furetant dans la maison trouvent les meubles du salon qu'ils s'approprient naturellement au moins durant leur séjour chez nous.
La ville est pleine de troupes comme aux plus beaux jours de l'hiver dernier. Six généraux logent en ville. Des ambulances sont installées de tous côtés.
Mardi Emprisonnement d'Emile Deleu, employé à l'hôtel de ville pour n'avoir pas salué un officier allemand.
Mercredi Une formidable explosion se serait produite à Lille, les détails manquent .
On prétend qu'à Roncq, au dépôt de munitions, les allemands auraient enfermé des otages pour s'en faire une garantie contre une tentative possible. Affreux !
Jeudi Deux officiers viennent chez Albert faire remarquer que d'étranges lumières circulent la nuit chez lui. Le coupable serait une ou les servantes qui ne possèdent pas de montre et descendraient durant la nuit se rendre compte de l'heure.
Vendredi 14 Incendie à l'établissement de bains allemand au " lenz quartier " disent les Méninois.
Samedi 15 Après mille difficultés Albert obtient des wagons pour expédier du papier ; 22.000 kg partent ainsi .
Je reçois un billet m'invitant à me rendre lundi à la commandanture.
12 fils téléphoniques passent devant nos fenêtres.
Dimanche De terribles détails nous parviennent sur l'explosion de Lille.
Un million de grenades ont fait explosion. 500 maisons sont détruites. La catastrophe a duré dix minutes . Des gens ont été projetés en l'air. Un homme qui s'enfuyait tenant son enfant par la main a vu la tête de celui-ci emportée par un éclat. 92 victimes sont déjà signalées et l'on en trouve encore sous les décombres.
J'ai vu des photos du lieu de la catastrophe ! Quelles ruines !
Mon pauvre Lille !
Lundi 17 Janvier Je suis allée à la commandanture. Une belle frayeur m'y attendait. Alors que je venais de donner mon nom au guichet, un Allemand sort de la maison en se dirigeant vers la prison me fait signe de le suivre ????....
J'obéis moins que rassurée.. mais mon émoi est de courte durée et nous allons tout simplement à la recherche de l'officier Baldes pour traiter de l'affaire des draps emportés par mon logeur. Je réitère ma réclamation et l'on me promet de s'en occuper.
Mardi 18 Réunion de la Conférence de St Vincent de Paul chez Mme Vandenberghe. Réunion tenue dans le fumoir du Casino momentanément inoccupé par les officiers. Fait curieux, l'officier supérieur en logement dans la maison se nomme le Baron de Valois d'une famille française émigrée lors de la révocation de l'Edit de Nantes.
Les Allemands vont payer les ouvriers en monnaie allemande et ils diminuent fortement les salaires. Du même coup le change des bons de la ville subit une forte baisse.
Mercredi J'apprends aujourd'hui le départ de Maman et de Madeleine pour la France par les trains d'évacués.
Madeleine aura-t-elle la joie de revoir son mari ? Dieu le veuille.
Vendredi 21 Janvier On m'apporte des nouvelles de Bonne Maman Denis.
Samedi Prix des denrées:
Viande 4 à 5 frs le Kg
beurre 6.50 et 8 frs en bons de la ville
Oeufs ont été cet hiver jusqu'à 0.35 centimes
Sucre 1 frs 10 le kg
savon noir 3 frs 25 le kg
Lundi 24 janvier Nous voici en guerre déclarée notre logeur et nous. Ce petit lieutenant de rien du tout , boiteux par dessus le marché, a des façons d'agir d'une urbanité rare
Détesté de ses soldats , du Wach-commando qu'il malmène de la belle façon, il nous considère je crois comme ses humbles sujets.
Rentrant chez nous ce soir vers 6 heures, je trouve toute la maisonnée en émoi. Albert, mon beau frère, Anna, nos bonnes, celles de mes beaux parents sont là qui très excités me content ses récentes prouesses.
Encadré de trois soldats, le gaillard est moins que brave, il est venu déclarer à mon mari : " tout citoyen belge doit donner sa meilleure chambre aux officiers allemands et vous me donnez la plus " filaine". La meilleure c'est la nôtre, aussi, sans plus de cérémonies et malgré les objurgations de Jean qui lui offre aux choix nos autres chambres et même notre salle à manger, fait-il procéder par ses gardes du corps à un déménagement rapide et bousculé ! Bien plus, je ne sais à quel propos il menace Jean de son révolver " Che connais les belches, dit-il, en lui fermant les portes au nez ".
Tout cela fait que mon lit est installé dans la chambre de nos petites filles, le lit d'enfant et le berceau dans le cabinet de toilette, le contenu de notre armoire à glace posé au petit bonheur à terre et dans tous les coins.
Nos bonnes voyant son arrogance vis a vis de Jean pleuraient de colère, paraît-il.
"Toutefois, monsieur le lieutenant souvenez-vous qu'avec les femmes les affaires commencent lorsqu'on les croit finies. Je ne prends pas mais pas du tout mon parti de votre expulsion manu militari ".
Mardi La maison de Madeleine aurait reçu dit-on un obus et serait très endommagée. La chambre à coucher presque seule est intacte.
Lille est bombardée tous les deux ou trois jours, la fièvre typhoïde y fait des victimes ; une odeur de poudre , souvenir de la récente explosion flotte sur la ville.
Mercredi Seconde explosion à Lille. Voulant à tout prix rentrer en possession de ma chambre , je vais faire une démarche près du lieutenent Knorr, préposé aux quartiers et qui loge chez Henri. Il vient vers quatre heures chez nous et ne m'y trouve pas. A mon retour, je me mets à sa recherche à la commandanture puis à son bureau puis enfin chez Henri où je le rencontre.
Il nous promet d'agir près de notre Schmidt :" Que voulez vous Madame, dit-il, vous avez probablement affaire à un nouvel officier de guerre non initié encore aux bonnes manières ",
- Cela se voit !

Ce soir heure de police à 6 heures, les Allemands organisent une retraite aux flambeaux en l'honneur du Kaiser.
Jeudi 27 Fête de l'empereur, revue des troupes. certaines rues interdites à la population durant les cérémonies.
Notre logeur doit baisser pavillon . Voici la lettre que son ordonnance nous a remise tantôt et dont je respecte le style et l'orthographe.
Monsieur !
Prenant regard au grand nombre de vos enfants, je suis prêt à me contenter d'une autre chambre qui remplirait les conditions suivantes :
Il faut qu'elle soit claire et tranquille, qu'elle soit assez grande. Il me faut avoir un poêle et une lampe bonne, une armoire ou chose ressemblante, trois chaises, une ou deux tables pour lire et écrire la journée et le soir.
Schmidt . Lieutenant.
Là dessus, conférence d'une heure entre les belligérants, la salle d'enfants est choisie . " La chambre est ponne" déclare-t-il . reste la question de l'ameublement , non entièrement réglée.
Le change des bons de ville tombe à 10%.
28 Janvier Naissance d'un petit André chez Albert et Flore.
Troisième discussion avec notre logeur.
On parle du départ du XIII corps. Les Allemands ne veulent plus employer dit-on les ouvriers qu'ils doivent payer.
Samedi Ce soir l'officier rentrant chez nous tard, éveille la maison par son tapage.
Dimanche Chaque jour le gaz brûle de 5h1/2 à 9 h dans la chambre inoccupée de l'Allemand mais " ne sont-ce pas les >Belges qui paient la note ? Alors !"
On apprend la déclaration de guerre entre la Roumanie et l'Allemagne. Les soldats ne semblent pas très marris de la nouvelle. La guerre n'en sera que plus vite finie disent-ils et pour fêter l'événement ils vident joyeusement force bouteilles
Lundi 31 Janvier 1916 On annonce l'arrivée du roi du Wurtemberg.
Quatrième conférence entre Schmidt et moi. Il parcourt la maison afin de choisir le mobilier de sa chambre. Les fauteuils du salon le tentent mais il ne les obtient pas et malgré le regard d'envie qu'il jette au tapis de ma chambre, il en est pour ses frais.

Mardi 1er Février Visite du roi du Wurtemberg qui est reçu à dîner dans la maison de Mme P. Vandenberghe. Accès des rues interdit pendant la revue des troupes.
Nous réintégrons notre chambre à coucher.
Vendredi 4 Février Quel événement, mon Dieu !
Que de souffrances en perspectives pour Maman et nous tous.
Mon beau père et Albert arrêtés !
Jules le domestique aussi !
Et ce, pour des fusils et un cahier de notes, enterrés dans le jardin de mes beaux parents et découverts par les soldats aujourd'hui même.
Relatons les faits par ordre.
Ce matin Maman était en visite chez nous près de Jean légèrement souffrant lorsque Alphonse arrive la figure bouleversée : " On a trouvé les fusils dit-il et papa est sous le coup d'une arrestation".
Nous sommes atterrés ! la pauvre Maman fait peine à voir.
Mon beau père heureusement averti à temps rentre bientôt chez lui où nous l'entourons et vers midi Haussmann, chef de la police allemande vient l'emmener.
A chaque coup de sonnette, je tressaille tant je crains l'arrestation de Jean. Nous attendons une perquisition qui ne se produit pas.
Ce soir Albert et Jules le domestique sont relâchés.
Samedi Maman et Albert vont voir le juge allemand mais n'obtiennent pas d'approcher Papa. Seule Léonie, la femme de chambre ou à son défaut une autre servante peuvent lui apporter ses repas et ce qui lui est nécessaire. De cette façon nous ne sommes pas sans nouvelles du pauvre Papa et nous communiquons avec lui par l'intermédiaire de ces braves filles.
Le jugement sera prononcé lundi. " Pas de peine de mort a dit le juge mais une sanction sévère ".
Toute la population de Menin est atterrée, les visites se succédent chez Maman toute la journée. On prie pour notre prisonnier dans toutes les communautés de religieuses.
Et pas encore de perquisitions !
D'ailleurs nous nous sommes mis en règle mais je crois qu'il est heureux qu'on n'ait pas fouillé de suite chez mes beaux parents et que la Lys coule tout juste au bout du jardin.
Dimanche Albert propose un avocat. L'idée est acceptée et toute la journée et tous ensemble nous préparons la défense de Papa.
Les points principaux de cette défense sont ceux-ci :
Que le fait d'avoir caché un fusil démonté et d'ailleurs démuni de cartouches dans un jardin éloigné de chez lui de dix minutes au moins, fusil auquel le rattachait de vieux souvenirs de chasseur prouve bien qu'il n'y avait là aucune idée d'en faire usage.
Par l'intermédiaire de Léonie nous sommes en rapport avec mon beau frère. On glisse des billets dans les envois de vivres que l'Allemand laisse passer. L'avocat allemand se rend près de son client, c'est un officier, avocat d'office.
Lundi C'est aujourd'hui vers 10 heures que Papa comparaît en conseil de guerre .
Quelles sont notre anxiété, nos angoisses pendant cette affreuse matinée, est facile à concevoir.
Aussitôt le jugement, Maman et Albert sont autorisés à pénétrer dans la prison. Hélas, c'est pour apprendre que la condamnation infligée est de 18 mois de prison en Allemagne.
Papa toujours si courageux semble cette fois désemparé. A son age, 67 ans, une telle perspective est vraiment effrayante.
Mardi Profitant de l'autorisation qui nous est accordée, nous rendons tous visite à notre prisonnier. Papa très abattu au premier choc se reprend rapidement.
La pauvre Maman reste très affectée.
Aujourd'hui il est procédé à une visite médicale du futur déporté.
"Bon,
très bon", déclare le médecin qui pose à son client un interrogatoire en règle.
"Avez vous des poux ?" s'informe la sollicitude allemande.
Stupeur de Papa qui du même coup retrouve sa gaieté.
Le départ était fixé pour aujourd'hui mais nous avons adressé hier une supplique au Général Graf von Feld en logement chez M Schotten qui l'a ajourné à Jeudi.
Mercredi 9 Février Un avion laisse tomber une bombe à 200 m de la maison de Jules le domestique.
Les Allemands parlent de rendre à Papa son "journal de la guerre". Le fameux cahier où papa très librement contait et commentait les faits de chaque jour ne constituait pas paraît-il un délit n'étant pas destiné à la publicité.
De même on nous laisse et on laisse nos amis pénétrer dans la prison et visiter le condamné vers qui les témoignages de sympathie affluent venant de tous les partis politiques adversaires comme les autres.
Vers le soir, ce sont les adieux cruels pour la pauvre Maman d'autant plus que le juge ne nous a pas caché que le régime en cellule serait dur et sévère.
Jeudi Papa s'apprêtait au départ. Son dernier repas apporté par un ordonnance complaisant de chez ma belle mère était expédié rapidement lorsqu'au dernier moment on vient l'avertir qu'il est ajourné à demain d'abord dit-on puis jusqu'au retour du recours en grâce.
Allons tant mieux ! Le coup sera amorti pour notre chère Maman.
Aujourd'hui nous sommes tous consignés chez nous. Les Allemands procèdent à un recensement de la ville .
Noms, âges, professions, rien ne manque au questionnaire même pas l'état de fortune de chacun, que tous accommodent à leur fantaisie, bien entendu.
On bombarde Werwicq.
Samedi 12 février Le bombardement de Werwicq continue. On dit qu'il y a des morts et des maisons détruites. Ce soir d'effrayantes détonations se produisent. Geneviève malade et au lit dans ma chambre et Guite qui la veillait poussent des cris de terreur.
Dimanche On nous laisse jusqu'à présent la liberté de visiter Papa. Si bien que des parties de Whist s'organisent autour de la table du prisonnier qui de cette façon voit sans trop d'ennui s'écouler les heures.
Combat entre 7 avions alliés et 2 allemands.
Lundi Pendant notre visite à Papa cet après midi, arrive Haussmann qui nous met à la porte. Nous ne pourrons plus paraît-il voir Papa qu'à de rares intervalles.
Seule Léonie pourra continuer à apporter les repas de la maison. Cette bonne Léonie se met vraiment en quatre pour nous faire plaisir. Des que le repas est préparé dans son papier, elle trotte à toute vitesse vers la prison où ses plats arrivent encore bien chauds. Là elle fait son service très à l'aise dressant la petite table passant les plats tout comme à la maison.
Par elle nous ferons parvenir à Papa livres , revues qui lui tiendront compagnie.
La commandanture visite aujourd'hui l'usine s'étonnant que le travail y continue.
Un Officier vient aussi faire l'inventaire du papier brut à Halluin.
Ce soir, les troupes sont en alarme. Une attaque importante se déclenche au front dont les grondements violents du canon nous apportent l'écho.
Mardi L'attaque continue. C'est un vrai feu roulant d'artillerie que ponctuent quelques détonations plus effrayantes encore. La ville en est toute secouée. Passage de 50 prisonniers anglais et belges, nombreux blessés allemands.
Mercredi 16 Février Notre Julien qui transportait à Halluin quelques kilos de maïs pour les poules est arreté puis relâché, 2 heures après. On lui laisse son maïs.
Plus de peur que de mal.
Jeudi Toutes les maîtresses de maison de la ville sont en courses ces jours-ci. Il s'agit de faire des provisions de café, chocolats, sucre, ces denrées étant menacées d'augmentation.
Le sucre se vend 1.30 le kg. On dit que l'autorité allemande interdit de le dénaturer.
Vendredi 18 février Interdiction nous est faite aujourd'hui d'expédier le papier par chemin de fer. Donc inutile de continuer la marche de l'usine puisque tout le travail de ces dernières semaines sera peine perdue.
Samedi. Prix des vivres à Lille :
- un oeuf 2 frs
- 1 kg de beurre 28 frs
-       viande 18 frs
-       pommes de terre 1,20
-       pelure de pommes de terre 0.30
Il est interdit ici de vendre des pommes de terre hors du comité
Nous en trouvons néanmoins 300 kg rentrés en cachette.
Dimanche Maman est autorisée par la commandanture à voir Papa cinq minutes sous la surveillance d'un soldat.
Lundi Les affiches portant la condamnation de mon beau père sont placardées sur les murs
Il est accusé de n'avoir pas livré un fusil à l'autorité allemande.
7 avions alliés survolent la ville.
Mardi Notre ration de pain devient de plus en plus petite, réellement insuffisante.
Le comité vend des pains supplémentaires , véritables pains de chevaux.
La farine blanche quand on en trouve est à 150 frs. Nous en achetons 100 Kg.
Mercredi Vu passer ces jours-ci parmi les nombreux chargements de tables, lits en bois blanc pour le front, tout un camion de cercueils neufs. Le fait me dit-on n'est pas rare.
Vendredi La commandanture fait demander combien nous possédons de poules car elle exige une partie de la production d'oeufs.
Réponse : aucune !
Ce qui est faux mais nous les mangerons plutôt que de les déclarer.
Fête du roi de Wurtemberg, retraite aux flambeaux, rues interdites.
Samedi 25 Un jeune homme de 17 ans, porteur d'un laisser passer est tué par une sentinelle allemande. Une erreur parait-il.
Maman toute désolée des mesures rigoureuses de la commandanture se décide à faire une requête près du juge du XIII corps . celui de l'affaire de Papa.
Ce juge d'une tout autre trempe que le trop fameux Ribbentrop lui accorde de suite l'autorisation d'une visite d'une heure et sans soldat.
Dimanche Jean et ses frères très contrariés de l'interdiction mise par la commandanture à l'expédition des papiers se risquent à faire partir en fraude une certaine quantité malheureusement et forcément minime. C'est par camion que voyagent les marchandises dont le prix a considérablement haussé. Réunion de famille cette après midi chez Juliette . selon l'habitude chacun apporte sa ration de pain , pain gris quasi noir et fleur de paille.
Lundi Les Allemands auraient perdu 24 000 hommes sur le front d'Ypres depuis leur dernière attaque.
Mardi 29 février 1916 Combat ce matin entre avions alliés et allemands au dessus de la ville. Un avion français est obligé d'atterrir . Les aviateurs sont indemnes . Des éclats de schrapnell tombent à notre porte .
Difficultés au comité avec les ouvriers qui trouvent le secours insuffisant.

Mercredi 1er mars Les Allemands augmentent la solde des soldats mais ne leur fournissent plus qu'un seul repas par jour.
Tant pis pour nous et gare à la hausse et à la raréfaction des vivres.
Les prix de certaines denrées et leur rareté décourageant les acheteurs, on fait des échanges entre soi.
Jean cède aujourd'hui un litre de genièvre à P. Ghesquière contre un litre d'huile à salade qui se vend déjà 15 frs.
4000 kg de papier sont expédiés aujourd'hui sur Courtrai. Nous risquons une belle amende.
Jeudi Arrivée du recours en grâce.
Les 18 mois de prison sont commués en 6 mois de forteresse plus 10.000 marks d'amende.
C'est une grâce payée au prix fort néanmoins nous préférons et de beaucoup le nouvel état de choses pour mon beau père.
A 4h1/2 du matin, violente action d'artillerie au front. Ce serait une contre attaque allemande en réponse à l'attaque d'hier.
Vendredi Le départ de Papa est définitivement fixé à demain;
Les visites sont autorisées toute la journée. Ces adieux sont pour Maman un nouveau déchirement, quant à Papa il paraît plutôt heureux d'échapper fut-ce de cette façon à l'affreuse solitude de la cellule.
Le régime de la forteresse est nous dit le juge beaucoup moins pénible que celui de la prison. On y jouit d'un certain confort en compagnie d'autres détenus. C'est somme toute le régime d'un officier allemand en punition.
Les sorties en ville sont parfois même permises.
Samedi 4 mars Papa part pour l'Allemagne. En voiture d'abord sous la conduite de Haussmann jusqu'à Courtrai puis de là par chemin de fer. Il fait un temps affreux, neige et froid glacial .
Pauvre Papa ! Quand et comment le reverrons nous ?
Dimanche 5 Mars Les Allemands installent une "Offizierzem" dans la maison des demoiselles Staes obligeant celles-ci à se loger ailleurs.
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Une morne résignation a succédé aux alternatives d'abattement et d'espoir de l'an passé !. La délivrance semble encore lointaine ! Le cercle de fer des exigences allemandes va sans cesse se rétrécissant autour de nous ; enfin le voisinage des villes du Nord affamées de Commines et Werwicq bombardées nous est une cause d'angoisses et de perplexités.
Mardi Nous payons aujourd'hui les 10000 m d'amende de Papa.
Mercredi et jeudi Important mouvement de troupes allant et venant.
Canons, caissons. Ponts de bateaux. Ces troupes ont leurs numéros cachés.
Encore un échange
Flore me cède une ancienne vareuse de ses enfants contre un vieux paletot de Jean destiné à Gérard.
Vendredi On annonce la jonction des Russes et des Anglais au Caucase, la guerre entre l'Allemagne et le Portugal et puis malheureusement une nouvelle avancée allemande à Verdun.
Ce soir j'apprends que Vaux est repris par les Français.
Le mouvement de troupes continue.
Dimanche Enterrement d'un officier tué aux tranchées par ses propres hommes alors qu'il commandait une attaque.
Lundi 13 mars Grosse émotion . Tous les possesseurs de pommes de terre doivent les livrer aux Allemands demain ou bien 1000 marks d'amende.
Encore 11000 kg de papiers sortis en fraude de l'usine. Au prix du jour c'est un bénéfice appréciable..
Mercredi Perquisitions aux Baraques pour les pommes de terre. Nous livrons 20 kg pour faire quelque chose.
Les bouchers doivent déclarer à la Commandanture ce qu'ils possèdent comme viande salée et fumée.
A Gand la ration de viande est de 150 kg par personne et par semaine.
Nous craignons le même sort.
Jeudi Les soldats allemands parlent d'une prochaine offensive au front d'Ypres.
Les aviateurs auraient aperçu un grand mouvement de troupes alliées.
Les soldats racontent même que les Anglais ont hissé aux tranchées une pancarte avec cette inscription :
Nous serons le 18 à Menin !"
Quelle bonne nouvelle si elle est vraie !
Samedi M Biermé ayant obtenu un passe port pour Lille m'apporte la confirmation d'une bien triste nouvelle que je soupçonnais déjà :
Paul notre beau frère aurait disparu dans un combat en Champagne à (blanc).
Blessé à la cuisse tandis que les Français reculaient et il est resté dans le réseau des fils de fer sans qu'on sache depuis ce qu'il est devenu.
Madeleine aurait paraît-il fait toutes les démarches imaginables pour retrouver sa trace et ne veut pas perdre l'espoir de le revoir un jour.
Pauvre Paul et pauvre Madeleine !
Dimanche La pensée de notre malheureux Paul nous hante.
Vit-il encore et s'il est mort quelle affreuse mort ! Tout seul sur un champ de bataille !
Quelle a été son agonie ?..
Nos enfants et moi prieront de tout coeur pour lui et ma pauvre chère petite soeur !
......

La ville est mise en pénitence . Prisonniers dans nos maisons de midi et 1/2 à demain matin .
Motif : Tenue irrespectueuse au passage d'un officier allemand.
L'ordre est donné aux civils de se découvrir dorénavant devant les enterrements des soldats.
Lundi 20 mars La cuisinière ayant donné à l'ordonnance du lieutenant du bois autre que le bois habituel, celui ci faisant momentanément défaut, l'ordonnance refuse et porte plainte à son officier
Là-dessus Schmidt taille sa bonne plume et nous envoie incontinent ce belliqueux billet.
Monsieur Chapelle (sic) Denis

Le général X (Il ne vous faut pas connaître le nom) a ordonné que la population de Menin est obligée de donner aux officiers allemands le logis, l'éclairage et les combustibles . Si vous ne me donnez pas ces choses, je les prendrai .

Que faut-il faire ! S'incliner !
Inutile de dire que ce billet doux circulant au café de main en main a fait la joie des amis de Jean qui ont surnommé notre hôte le " Général X".
Mardi 21 Les prisonniers russes travaillant au front passent en ville, les pauvres diables souffrent dit-on de nombreuses privations et les civils apitoyés usent de ruses pour les secourir. Seulement il leur en cuit parfois, temoin cette jeune fille condamnée à quatre jours de prison pour leur avoir donné aujourd'hui des cigares.
Mercredi 22 mars L'alarme est donnée aux troupes allemandes à Halluin, les sentinelles quittent leurs postes, du même coup ruée des Halluinois vers les magasins des Baraques qu'ils vident rapidement.
La guerre est finie pensent ces braves gens..
Jeudi Ce matin les sentinelles sont de nouveau à leur poste.
Le 124 part au front.
Samedi La viande se vend 4, 5 et 5,50 frs le kg.
Le beurre 9 frs 50 aussi doublons nous son volume en y ajoutant une égale partie d'eau.
Dimanche 20 Cette nuit vers 2 heures, violente action d'artillerie vrai feu roulant . On apprend ce matin que l'alerte a été vive chez les Allemands.
10 autos se tenaient prêtes à emporter les avions au champ d'aviation que l'on commençait à démonter.
Les Anglais paraît-il auraient pu percer.
Lundi La canonnade reprend plus violente cette nuit. Les Anglais auraient fait sauter deux mines.
5 avions survolent la ville. Pendant le tir des éclats de schrapnells tombent dans nos jardins dont un presque sur maman.
Mardi Un officier vient annoncer l'enlèvement des marchandises de l'usine d'Halluin.
Encore une nuit mouvementée. De violents chocs ébranlent la ville, toute la population ne peut guère dormir.
Si les Anglais pouvaient arriver, voilà qui arrangerait bien nos affaires à l'usine.
Mercredi L'enlèvement des marchandises commence à Halluin.
Quatre camions automobiles sont chargés aujourd'hui.
Tout cela est simplement pesé sans spécification de prix, ni de qualité. C'est et cela malgré les observations de Jean qui fait remarquer qu'il y a de grands écarts entre la valeur de certains papiers. Le pauvre n'y gagne rien qu'un mal de tête plus qu'explicable.
Jeudi Jean passe ses journées à l'usine.
Les fabricants de papier obtiendront peut être un passe port pour Roubaix afin de faire enregistrer leurs bons de réquisition par la Chambre de Commerce.
Vendredi 31 mars 1916 Les Allemands consentent à nous laisser 1500 kg !
Ironie !
Jean se console tant bien que mal en trichant tant qu'il peut sur le poids qu'il force dès que les soldats ont le dos tourné.
Samedi 1er avril Bonne nouvelle ! si elle est vraie !
La Hollande mobilise !
Dimanche On parle toujours de la Hollande . Voilà qui pourrait changer notre situation ! . Une lueur d'espoir dans notre situation c'est tout un événement... et qui obligerait peut être les Allemands à évacuer les Flandres !
Lundi Violente action d'artillerie cette nuit .
Les vitres dansent mais nos enfants habitués à cette musique ne s'éveillent même pas. .
Mardi La ration de pommes de terre tombe de 400 gr à 200 gr.
Pesez ce que cela donne !

Rationnés pour le pain, pour les pommes de terre et bientôt pour la viande, pourvus d'un comité qui n'est que l'ombre, les Meninois courent grand risque de passer à l'état de squelettes.
Mercredi Arrivée aujourd'hui d'une lettre de Papa !
La première depuis son départ. Quelle joie !
Joie malheureusement mélangée d'amertume car le récit de Papa n'est pas gai.
Alors que nous le croyions bien traité comme l'avait promis le juge, il était écroué durant 17 jours dans la prison d'Aix la chapelle et soumis au régime des prisonniers ordinaires.
Vendredi 7 avril On confirme le débarquement des Anglais dans l'ile de (blanc)
Les Allemands annoncent que les Hollandais massent des troupes sur la frontière ??!!
Ce soir toutes les lumières doivent être éteintes dans les maisons à 7h 1/2. On démonte les becs de gaz dans les rues.
Samedi Amende de 1000 marks ou trois mois de prison à celui qui aurait une fenêtre éclairée. Nous calfeutrons la fenêtre et le lanterneau de la cuisine.
Dimanche Halluin est puni ! Ses habitants doivent rester enfermés chez eux tout l'après midi pour avoir donné des vivres aux prisonniers russes qui passaient et que les Allemands maltraitaient.
Jeudi 13 Evénement sensationnel dans notre vie de prisonniers !
Nous assistons à un dîner de communion chez M Vanguinchen .. et ne sommes pas fâchés de renouer connaissance avec les bons plats dont nous avons presque perdu le souvenir.
Vendredi Gustave de la Commandanture veut se faire montrer la chambre pour officier du rez de chaussée.
Il demande à voir les autres salles .
- Elles sont fermées à clé lui dis-je et la clé est dans la poche de mon mari qui est absent.
( La clé en question se trouve à la cuisine)
Schumann n'insiste pas et se retire
Sauvés encore une fois !
Mme Campion qui devait me rapporter une somme d'argent de Lille rentre bredouille déclarant qu'elle l'a perdue en route.
Jean va trouver le commissaire d'Halluin qui émet des doutes sérieux sur la véracité de ces dires. Il fait arrêter ma commissionnaire mais une perquisition au domicile de celle ci n'amène aucun résultat.
Samedi Un ss.off. vient annoncer qu'il occupera notre petite salle à manger et que la commandanture lui fournira un lit.
On ne parle plus, hélas, de la Hollande et mes beaux espoirs s'en vont une nouvelle fois à va l'au
Un nouveau comité local formé sous la direction de Jean Vanguinchen . Ceux qui souscrivent une action de 25 à 50 frs au moins peuvent en faire partie.
Le comité s'efforcera d'acheter dans les meilleures conditions possibles des denrées alimentaires qu'il cèdera sans bénéfices à ses actionnaires .
Ceci pour obvier un peu à la cherté croissante des vivres.
Diamnche 16 avril Jean ayant demandé un laisser passer pour Halluin, la Kommandantur lui refuse et l'officier du guichet déclare de façon à être entendu de tous :
" Pas de passe-port pour les Cappelle ".
Nouvelle affiche allemande .
Les propriétaires de poules doivent livrer 2 oeufs par poule et par semaine à l'autorité militaire.
Amende de 1000 m aux contrevenants.
Nous marchons à grands pas vers la famine.
Mardi 18 avril On apprend que les Allemands emmènent des hommes à Lille Roubaix Tourcoing Halluin. Des mesures semblables seront dit-on prises ici.
La commandanture fait visiter les caves par les soldats afin d'y détruire les mouches, disent-ils.
Le nouvel officier loge ce soir chez nous.
Schmidt rêve d'installer son ordonnance dans la petite chambre occupée par les enfants. Une démarche à la commandanture me sauve de cette nouvelle exigence.
Jeudi 20 avril Nous commençons à faire des provisions d'oeufs et faisons des essayages de conserve de viandes.
Les Allemands réquisitionnent beaucoup de bétail, la raréfaction des veaux se fait déjà sentir aussi toutes les maîtresses de maison font de même.
Les débris de notre poulailler d'antan que nous n'avons pas voulu déclarer à la commandanture attendent parqués au grenier leur tour d'être mis au pot au feu.
Certains jours, leurs cris intempestifs menacent de les dénoncer à notre peu commode locataire. Jean Marie s'empresse alors de couvrir leurs "cocorico" en tapageant tant qu'il faut sur le palier du 1er étage.
Dimanche 23 avril Jour de Pâques. Jean Marie fait à son tour sa 1ère Communion. Comme l'an dernier toute la famille l'accompagne à la Ste Table et de tout mon coeur j'ai prié le divin Sauveur de prendre à jamais possession du coeur de notre cher petit.
Après la messe de communion déjeuner chez Bonne Maman puis après dinée : thé à la maison.
Les petites soeurs et les cousines offrent leurs félicitations au 1er communiant et leurs compliments évoquant le souvenir de Bon Papa absent nous émotionnent tous.
Lundi 24 Les rapports seraient tendus entre l'Allemagne et l'Amérique au sujet des sous marins.
S'ils pouvaient se rompre tout à fait.
Mardi Horrible nouvelle !
On emmène des femmes et des jeunes filles dans les villes du Nord. Les Allemands cernent paraît-il les maisons la nuit et enlèvent de force les habitants. La terreur règne à Lille à Tourcoing et ailleurs..
Jeudi La guerre avec l'Amérique serait imminente.
Les esprits sont ici très préoccupés au sujet des déportations de femmes dans le Nord français.
M Delesalle maire de Lille aurait adressé une protestation indignée à l'autorité allemande.
Dimanche 30 avril On annonce ce matin aux messes que les Allemands ayant avancé leurs horloges d'une heure la population devra les imiter, un écart de deux heures vraiment excessif.
Jean ne veut pas emboiter le pas aux ennemis et se refuse à changer les heures de la maison. D'où difficulté pour les classes des enfants, messes du matin, etc ! Que faire ?
Mardi 2 mai Je sollicite un passe port pour Geneviève et tante Anna.
Maman rentre en possession du cahier de notes de Papa. Celui ci n'étant pas destiné à la publicité ne constitue pas paraît-il une charge d'accusation.
Néanmoins il a été certainement examiné car il est couvert d'annotations au crayon bleu, passages soulignés, points d'exclamation, d'interrogation !
Amusant !
Mercredi On prétend que 50 000 femmes des villes du Nord auraient été déportées sans distinction de classe et de condition.
Ces malheureuses devront travailler sous les ordres de l'autorité allemande.
Vendredi 5 mai Prix des vivres
viande 5 frs et 6.50 frs le Kg
Oeufs 0.322 et 0.25 c
sucre 3 frs 75 le kg
café 6.50 à 8 frs le kf
Savon pour 5 frs le kg
Dimanche 7 mai L'ordonnance de Schmidt rentre aujourd'hui d'un congé en Allemagne. Ce malheureux est si triste qu'il fait peine à voir. Ses cinq petits enfants s'accrochaient à ses vêtements et voulaient le garder. Et cependant nous dit-il il habite la campagne où le manque de vivres se fait beaucoup moins sentir que dans les villes.
Ce retour fait toutefois un heureux ou plutôt une heureuse : petite Thérèse que l'Allemand affectionne et qu'il apprivoise avec du sucre puisé dans le sucrier de l'officier si bien que notre bambine alléchée tambourine sans façon à la porte de l'aimable Schmidt en criant : " Susucre".
Mardi 9 mai M Tyberghien Nollet, échevin de la ville ayant refusé de s'incliner devant de nouvelles exigences d'argent de la Commandanture est envoyé prisonnier en Allemagne.
Halluin doit paraît-il payer une contribution de guerre d'un million. Lille une contribution de 10 millions.
Mercredi L'Amérique s'étant malheureusement mis d'accord avec l'Allemagne au sujet de la question en litige, nos espérances de la voir prendre part à nos côtés dans le conflit s'évanouissent.
Hélas!
Dimanche Les Allemands réclament les échantillons des 1500 kg de papier qu'ils ont laissé à l'usine d'Halluin.
Lundi On vient annoncer à l'usine d'Halluin l'arrivée de 300 soldats qui devront loger dans la salle des machines. Tant pis pour nos machines..
Mardi Jean parvient à obtenir un passe-port pour Halluin..
Jeudi Des lits sont déjà installés à l'usine . Les soldats parlent de percer une porte donnant sur le potager. Adieu aux légumes et aux fruits !.
Samedi 20 mai Le prix des vivres augmentent d'une façon effrayante : viande 6.50 , riz 3.75 , sucre 5 frs le kg et certains pensent que la guerre pourrait encore durer 2 ans. A Tourcoing la viande se vend 20 frs le kg , la viande de cheval 14 du kg .
Dimanche 21 Cette nuit brusque réveil. La mitrailleuse du beffroi entre en feu et met en émoi toute la ville. On entend le moteur de l'avion qui nous survole. Va-t-il nous bombarder ??...
Aujourd'hui combat d'avions. Un allié et un allemand mis hors de combat. Les prisonniers anglais passent en auto rue de Lille .
Lundi 22 On arrête des soldats allemands porteurs de billets les incitant à la révolte contre leurs officiers..
Mardi 23 Vraiment la vie sous le régime militaire allemand vous réserve de ces surprises !!....
Ce matin, il était environ 5 heures, le timbre de la porte de la rue nous réveille. Jean descend et moi habituée à ces visites de nuit, je reste tranquillement dans mon lit.
Qu'elle n'est pas ma stupeur en apercevant tout à coup deux soldats allemands encadrant mon mari faire irruption dans ma chambre.
Mille suppositions pires les unes que les autres surgissent à la fois devant mon esprit affolé.
Jean est arrêté, on vient me prendre moi-même ?...
Une minute d'angoisse que je n'oublierai jamais !... .
"Ne crains rien me dit Jean on vient pour la maison ".
Je ne comprends qu'à demi mais voyant les Allemands se diriger vers l'armoire à glace je devine une perquisition et commence à me rassurer.
"Ouvrez cette armoire " dit l'un d'eux. Il fouille dans mon linge puis dans la chambre, tandis que la tête hors de mes draps, je suis des yeux tous ses mouvements.. Ils passent au cabinet de toilette, dans la chambre des petites filles qui ne s'éveillent pas .
A la hâte, j'ai endossé mes peignoirs et les cheveux sur le dos, pieds nus dans mes pantoufles, je me mets à la remorque des soldats.
Notre groupe gagne le second étage où l'on trouve nos enfants et nos bonnes au lit. Un soldat grimpe au grenier où les ... "souvenirs" de nos défuntes poules éveillent ses soupçons, il croit à des pigeons cachés, vient le tour du rez-de-chaussée, salle à manger, salon sous le plancher duquel gisent nos pommes de terre. Pourvu que les planches en basculant sous les pieds des Allemands ne leur donnent l'éveil !. Enfin viennent nos caves où l'on passe en revue nos provisions d'oeufs, de graisse , etc..
Ils sont partis ! on regagne son lit.
Nouveau coup de sonnette et nouvelle perquisition par deux hommes et un sous-officier cette fois. " C'est nécessaire, Monsieur ", déclare celui-ci qui semble à moitié ivre.
Pas de doute, c'est notre Schmidt, chef du Wach-Commando qui nous vaut cela. Le voici d'ailleurs qui rentre chez nous et qui trouvant nos soldats à la porte, les force à revenir à la charge en quête d'un trou de communication qui en effet relie par les caves notre maison à celle de mes beaux parents.
C'est fini au moins nous le croyons lorsqu'à huit heures une nouvelle patrouille vient s'assurer que notre provision de café est bien du café belge et non du café allemand.
Ah, Schmidt !
Jeudi 25 Je vais à la commandanture afin d'obtenir d'avoir maison nette vers le 25 juin, date approximative de la naissance du bébé attendu.
Bien reçu par le lieutenant Schmidt ( pas le nôtre) qui me fait entrer dans le bureau du Commandant et me promet de faire droit à ma demande . Enhardie par son amabilité, je risque de solliciter l'éloignement définitif de notre logeur en mettant en avant une insurmontable incompatibilité d'humeur entre lui et nous.
Je n'ose dire plus !
On me promet de le remplacer par un autre officier..
Vendredi 26 mai Les vivres se raréfient. Heureusement, le comité de ravitaillement depuis qu'il se fait payer en monnaie banque nous approvisionne un peu mieux.
Aujourd'hui nous obtenons :
200 gr de saindoux par personne
200 gr de lentilles "
1 boîte de lait concentré
La semaine dernière on vendait :
200 gr de lard salé
Une portion de farine de lentilles
----------"---------- maïs
une boîte de lait pour les enfants âgés de moins de 2 ans
On annonce 100 gr de sucre par personne la semaine prochaine.
Dimanche Depuis plusieurs jours, les Allemands parlent d'une nouvelle attaque projetée au front. Ils amènent canons et munitions. Le général en chef loge,dit-on, à Ladizelle..
Mardi 30 La viande se vend 7.50 frs le kg
Nous serons bientôt rationnés. La semaine prochaine, paraît-il, la ration sera de 150 gr par personne et par semaine.
Nouvelle course aux provisions. Déjà le prix des oeufs atteint 0.65 ..
Mercredi 31 mai Mes Allemands parlent sans cesse de leur prochaine attaque dont nous pourrons bien ressentir les effets assurent-ils.Grenades sur la ville probablement .
Jeudi Fête de l'Ascension Ce soir vers 8 heures, on entend les canons du tir de défense et l'on aperçoit un ballon qui survole la ville. C'est un ballon captif détaché dirait-on car un bout de chaîne y est suspendu.
Les canons tirent... tirent...
Sept avions allemands le criblent de mitraille.
Nous plaignons les malheureux pilotes.
Le ballon se dégonfle rapidement et ne tarde pas à atterrir.
Vendredi 2 juin Nouvelle d'hier soir !
La tragédie s' est muée en une bonne plaisanterie car la foule des officiers accourus de toutes parts pour jouir de l'atterrissage n'a trouvé dans la nacelle que des poupées habillées en soldats anglais.
Vervelghem où la scène a eu lieu serait puni pour avoir trop ri.
Cette après dînée commence la grande attaque annoncée. Tous les généraux sont partis, le canon tonne...
Bientôt nous voyons passer quatre officiers anglais prisonniers. On décharge des blessés à l'ambulance du collège.
Peu après, toute une bande d'Anglais 300 environ , passent à Menin et mettent la ville en émoi. On se presse sur leur passage, on leur donne des vivres, du tabac, des cigarettes.
Les Allemands sont furieux, Ces Belges, disent-ils, ils n'ont pas assez de pain pour eux et ils l'offrent aux Anglais . La rue de Courtrai où défile la colonne est presque en révolution !
Inutile de dire que des arrestations suivent cette effervescence !
10 femmes sont condamnées à 1 et 2 mois de prison.
Avoir salué un prisonnier suffit à vous envoyer tout droit sous les verrous.
Samedi 3 Ce matin vers onze heures, alors que le nez en l'air nous suivions au jardin les évolutions d'une bande d'avions, un sifflement aigu déchire l'air près de nous. Une pluie de bombes tombe sur la ville .
On se réfugie dans les caves et, le danger passé, nous parviennent de tristes nouvelles.
8 bombes sont tombées sur Menin causant 4 morts dont Mme Descamps notre voisine qui revenait d'une course dans la campagne. 6 autres ont fait 2 victimes à Halluin. L'une d'elles à 500 mètres de la maison dans la propriété de Mme Gratry.
Lundi 5 juin Hier et cette nuit, violente action d'artillerie au front, de fortes explosions se produisent , explosions de tranchées disent les uns, de munitions disent les autres, si fortes qu'elles effrayent en sursaut. On prétend que ce serait une contre attaque anglaise.
Vendredi vers 2 heures , les Allemands auraient été maîtres de la hauteur 60 :" la tranchée internationale " disent-ils tant elle est disputée depuis que les Anglais l'ont reprise.
Mercredi 7 Juin Le canon continue de gronder.
Un mot aujourd'hui sur les jeux de nos enfants.
Ces bambins ont tout à fait le sens de l'actualité. Ainsi le jeu du bombardement a beaucoup de succès près d'eux. Ils parlent canons, munitions, tranchées comme les grands et la salle d'enfants ne voit que fins guerriers.
Tantôt un avion la sillonne et y jette des bombes, tantôt une colonne de munitions y défile très au complet. Puis c'est le bombardement toute la bande se réfugie dans les soi-disant caves. Parfois aussi c'est la fuite sous les bombes.
On charge les bagages sur les charrettes ou sur les dos et... en route
Un temps de galop... arrêt.
- Je descends dit Jean Marie !
- Que vas-tu faire ?
- Acheter du chocolat. le danger est passé.
Il en est de même des tranchées que Jean Marie creuse au jardin et où il installe ses petites soeurs au grand dam des culottes et des bottines.
Dimanche 11 juin La viande commence à faire joliment défaut aux Allemands eux mêmes. Le casino de Uhlans installé chez ma belle-mère mange du poisson trois jours par semaine et se console de ses privations en vidant force bouteilles.
Lundi Maman commence les démarches pour la levée d'écrou et le retour de Papa.
Mardi Cette nuit roulement ininterrompu de canon.
Les Canadiens auraient repris le Hooghe.
La forte attaque a donc été un fiasco.
Tout le monde par contre se réjouit des heureux résultats de la grande offensive russe.
Mercredi L'ordonnance de Schmidt est allé aujourd'hui au front voir son beau frère et lui porter des vivres. Il nous fait un récit effrayant de ce qu'il a vu. Partout du sang, des cadavres !
Son parent, agité d'un tremblement convulsif, refusait de manger. Des soldats devenaient fous !
Les récits d'autres soldats corroborent ses dires.
Samedi Nous apprenons la mort de Mme Dewitte, mère de nos beaux-frères survenue en Hollande.
Je vais à la commandanture solliciter un laisser passer pour la nuit.
Ce soir enfin les Uhlans du casino recoivent l'ordre inattendu de partir pour la Russie.
Dimanche Les femmes emprisonnées lors du passage des prisonniers anglais sont relâchées.
L'avance russe continue.
Lundi 19 juin Schmidt, le nôtre !, ayant reçu l'ordre de quitter la maison se met en quête d'un nouveau logis !
Rien n'est assez beau pour lui. De nombreuses maisons reçoivent sa visite !. Il examine la hauteur des chambres, palpe le moelleux des matelas mettant en rumeur les rues de Lille et de Bruges où chacun épie ses faits et gestes et conjure le ciel de l'éloigner.
Il pronostique dans une maison que j'aurai deux jumeaux alors dit-il " que six enfants étaient bien suffisants ".
Mardi 20 juin Les Français attaquent à Verdun, les Anglais au nord d'Ypres.
Une cinquantaine de soldats arrivent désarmés et mains liées. On les embarque en chemin de fer, des récalcitrants probablement.
La ville est rationnée pour la viande : 150 gr par personne et par semaine. De ce chef, les officiers et les soldats ne peuvent plus rien acheter dans les magasins vides et le régime de la "marmelade" s'accroît dans de notables proportions.
Mercredi 21 juin Les adieux de Schmidt .
Rentrant ce soir chez nous, il m'aperçoit assise dans la cuisine hésite un instant et s'avance .
Il salue , je me lève et lui rends sa politesse :
- Je pars demain, dit-il
Moi pour dire quelque chose :
- Dans la journée ?.
Puis après un instant
- Eh bien Monsieur, je vous souhaite un bon quartier .
Lui gravement .
- J'aurai un bon quartier !
- Allons tant mieux, Monsieur, et bonne chance !
Jeudi Schmidt a tenu à me remettre la clé de la maison en mains propres accompagnant l'objet d'un sachet de chocolat , " Petit présent aux infants de leur ami le lieutenant " a-t-il dit
Jean voulait que nous jetions le chocolat dans la Lys mais la gourmandise l'emporte hélas!
Vendredi Mte Dewitte est à Lauwe pour quelques jours.Anna n'y tient plus. Savoir sa soeur si proche et ne pouvoir l'embrasser après une telle séparation !.. Elle se met en route , réussit à berner la surveillance des sentinelles et nous revient ce soir enchantée de son escapade.
Marguerite a elle aussi connu des jours mouvementés. Réfugiée à la frontière hollandaise avec une bonne et ses quatre bébés,elle s'est vue forcée de quitter la maison qu'elle habitait et sur la foi de mauvais renseignements contrainte d'habiter dans une maison occupée par des filles de mauvaise vie , une sorte de taudis.
Le nombre de ses enfants effrayant les Hollandais, personne ne voulait l'héberger.
Enfin lorsqu'après bien des ennuis elle avait réussi à se loger convenablement au Grand Hôtel à Flessingue la naissance de deux jumeaux en l'absence de la garde du docteur et même de son mari.
Dimanche 25 Du jardin, nous apercevons des bombes incendiaires que les avions anglais jettent sur les ballons captifs.
Ces bombes font en éclatant un curieux effet de feux d'artifice.
Lundi Il nous revient que Schmidt regrette la maison et se promet d'y revenir dès qu'il pourra.
Grand bien nous fasse !
Mme Vandaele est condamnée à 200 marks d'amende pour avoir écrit à son fils interné en Allemagne que nous étions prisonniers dans notre ville.
Elle est autorisée à quitter Menin où elle ameute la population , déclare la Commandanture.
Encore des bombes incendiaires !
Deux ballons explosent !
Mardi La belle avance russe fait l'objet de toutes les conversations.
On dit que les Anglais prennent l'offensive sur tout le front.
132 ballons seraient " capout".
A quand notre délivrance ?
Jeudi 29 juin Naissance ce matin à 10 heures d'une belle petite fille.
Nous l'appelons Marie-Jeanne en l'honneur de Jeanne d'Arc.
Vendredi Nuit très agitée au front. Action intense d'artillerie, le ciel est sillonné d'éclairs.
Ce soir des avions alliés survolent la ville, les canons entrent en feu, des éclats de schrapnell tombent sur la maison.
Samedi 1 juillet Réveil brusque !
Tous les canons de tirs de défense, canons situés en ville et aux alentours entrent en feu ce matin contre des avions.
Baptême de Marie Jeanne.
Son oncle Joseph est parrain et notre Guite est marraine.
A grand peine on se procure un rosbif pour le dîner.
Lundi Toutes les nuits, la canonnade se poursuit au front.
Hier les Allemands annonçaient une avance des alliés à la Somme .
Le 121 est en alarme.
Mardi Les alliés auraient avancé sur la Somme de 8 km sur un front de 40 km de large.
Les Russes prennent l'offensive sur tout le front depuis Rega.
Mercredi Ce matin à 5 h départ des officiers du 121ème en logement chez Maman, tous les soldats disponibles de Menin doivent partir au front. Suppression de tous les passe-ports.
Vendredi Schmidt est cependant au front !
Son ordonnance vient nous annoncer que nous ne devrons plus redouter sa visite.
Dimanche La Commandanture fait savoir à Maman que Papa pourra rentrer à Menin. Quel bonheur !
Mercredi Arrivée d'une carte portant des nouvelles de Papa et envoyée par M Deplechin, comptable chez nous et prisonnier en Allemagne.
L'avance russe continue, de même l'offensive française à la Somme. Quelle joie nous apportent ces nouvelles et comme chaque jour on attend avec impatience les quelques communiqués que les journaux allemands veulent bien nous laisser connaître !
Samedi Cette nuit à minuit, le 157 ème reçoit à l'improviste l'ordre du départ. Le casino installé chez mes beaux-parents déménage.... pour la Russie disent-ils.
Jeudi 20 juillet Marie Jeanne n'a que trois semaines et connaît déja depuis aujourd'hui les fuites à la cave sous la menace des avions.
Vendredi Les passe-ports pour Halluin sont encore une fois supprimés.
Les villes du Nord refusant de payer les contributions exigées, les Allemands se paient en nature.
Dimanche On annonce à nouveau depuis 15 jours qu'ils suppriment les passe-ports pour les environs. Ce soir les quelques rares personnes qui en avaient obtenus se les voient retirés
On prend des otages à Halluin.
Lundi On annonce le départ du XIIIème corps .
Un lieutenant du 124 ème vient chez nous pour deux nuits.
Mercredi Aujourd'hui dernière limite assignée aux villes du Nord pour payer leurs contributions de guerre. L'autorité allemande menace en cas de refus de déporter de nombreuses personnes des deux sexes.
Jeudi 27 juillet Un sergent de ville vient nous faire prendre connaissance d'une affiche relative aux soldats cachés et déclarer par signature que nous n'en connaissons pas.
Vendredi Le départ du XIII Corps s'effectue : bureaux, officiers, tout déménage. On prétend que c'est la Landwer qui le remplacerait. La ville se vide.
Un inspecteur de la Croix Rouge vient occuper la chambre d'officier.
Samedi 29 Départ de A Spritz.
Onze avions sur Menin, une bombe.
Lundi 31 juillet Un officier loge pour une nuit.
Maman est appelée à la commandanture pour signer un reçu du reliquat que possédait Papa et qui lui est remis.
Avions sur la ville. 30 bombes sur Werwicq. Plusieurs morts.
Devant les menaces allemandes, menaces ayant reçu un commencement d'exécution, les villes du Nord se sont vues contraintes de céder.
Mercredi 2 août Le temps est beau, favorable aux avions qui n'ont garde de ne pas en profiter. Pour nous ce sont des alertes perpétuelles.
Aujourd'hui 23 appareils sillonnent à la fois notre ciel.
Samedi 5 août Des soldats occupent l'usine d'Halluin
Le secrétaire du juge s'installe chez nous.
Lundi Un mauvais petit bonhomme de la commandanture vient visiter la maison pour y installer des logeurs. Je vole faire une réclamation à qui de droit. On me remet à demain.
Mardi Gain de cause pour la question logement. On nous laissera relativement tranquille à moins d'urgence.
Nous attendons mon beau frère d'un jour à l'autre.
Et voilà que les Allemands enlèvent les lits de bois installés un peu partout et les chargent par chemin de fer. Ils démontent les installations téléphoniques.
Samedi Maman est avertie par un billet de la commandanture que le retour de Papa est ajourné.
C'est une grande déception pour nous tous !
Une déception et une cause d'inquiétude car quelle est la raison de cette mesure ?, et quand prendra fin cet emprisonnement ?.
Dimanche Qui veut des lits de bois ?
Les soldats en vendent pour 50 pfennigs car ils continuent leurs déménagements. La ville est presque débarrassée des troupes.
Vendredi 18 Les Allemands se préparent à réquisitionner les tissus.
Samedi 19 août Albert est avisé du prochain enlèvement des cuivres de l'usine de Menin , enlèvement qui se complique de destruction car pour obtenir une minime quantité de métal les soldats n'hésitent pas à démonter une machine s'il le faut.
Cette semaine la ration de viande est de 80 gr aussi l'élevage des lapins se pratique de plus en plus à Menin.
Malheureusement les éleveurs ne sont pas tous heureux témoins. Albert et Flore qui, résolus de le pratiquer sur une grande échelle avaient d'emblée acheté 35 élèves !
Hélas, il en meurt par fournée tous les jours.
Lundi Toute la 27ème division repasse à Menin, retour de la Somme. Décimée dans les proportions de 62%, elle a eu à subir de rudes attaques notamment des aéroplanes qui survolaient le front au nombre de 200 parfois.
Des tas d'officiers connus ici grâce à un séjour prolongé en ville y ont laissé la vie.
Mardi 29 août Maman désespérée du retard inexplicable apporté à la libération de son mari fait des démarches près du juge de la 27ème division. celui-ci très étonné lui même promet de s'en occuper.
Bon encore une nouvelle invasion!
Putz notre logeur trouve des punaises dans le lit apporté ici par la commandanture.
Je vais réclamer le service de désinfection et l'enlèvement du meuble en question, ce qu'on me promet.
Vendredi 1er septembre De nouvelles troupes arrivent en ville qu'on prétend être composées d'anciens blessés revenant d'Allemagne. On reforme paraît-il des régiments.
Casino de 20 officiers chez mes beaux parents.
Dimanche 3 septembre Dix sept avions !
Pendant le tir, pluie d'éclats de schrapnells. Il en tombe sur les plates formes, dans le jardin !
Depuis des semaines , aucun passe-port n'est plus délivré pour Courtrai, pas même aux messagers. Seul M Staes, chargé du ravitaillement, peut sortir de la ville accompagné d'un soldat. Les portes de notre prison sont bien fermées.
Mercredi Les Allemands trouvent du caoutchouc dans l'usine Latour, l'associée d'Albert.
Jeudi Avions sur la ville . 2 bombes dans le bassin de la Lys. 2 au champ d'aviation d'Halluin.
Samedi Les Allemands fouillent l'usine Latour
Lundi Comme suite à l'affaire Latour, Albert paye 500 marks d'amende.
Dimanche 17 sept Histoire de monocles !
Les Allemands ont un faible pour ce petit rond de verre, chacun sait cela !
C'est le summum du chic. Seulement le monocle est récalcitrant et ne le loge pas qui veut dans l'arcade sourcilière, de là de réjouissants essayages dans la boutique de l'oculiste, essayages suivis de nombreuses casses !
Mais que ne ferait-on pas pour éblouir les Meninois et parader le soir au Hohenzollengarten où l'éclat du verre fait si bien aux lumières !.
Malheureusement les monocles coûtent cher et la bourse des nouveaux " lieutenants" n'est pas des plus garnies.
-Qu'à cela ne tienne dit la marchande puisque la question "vue " n'est pas en cause, j'ai chez moi des verres de monte qui pourraient je crois faire l'affaire !
C'est un trait de génie et les disques de verre d'ancien modèle et dont la brave femme ne savait que faire s'enlèvent par douzaines et vont faire la joie des fringants lieutenants.
Mardi Bonne nouvelle !
Ce matin à 8 heures on vient annoncer à Maman le prochain retour de Papa.
Mercredi 20 sept Seconde dépêche confirmant la première.
Jeudi Nous vivons dans la fièvre de l'attente. Haussmann le chef de la police allemande déclare que Papa ne rentrera pas. Nous ne voulons pas ajouter foi à ses dires et nous gardons bien de les rapporter à Maman.
Vendredi Papa est de retour !!
Toute la famille est en fête. Maman rayonne ! son bonheur fait plaisir à voir.
Revivons ces heureux moments .
L'arrivée de Papa étant définitivement annoncée pour aujourd'hui, Albert et ses frères se rendent à la gare à l'arrivée du train qui très probablement le ramène ! Personne !
Tout décontenancés, ils nous rapportent la nouvelle lorsque Jules , le domestique, qui s'était attardé, accourt triomphant, brandissant une valise et criant . " Monsieur est à Menin, j'apporte ses bagages ".
Tout le monde s'agite. Nos maris se précipitent à la rencontre de leur père qu'ils rencontrent sur la grand place, les Meninois joyeux sortent de leurs maisons pour le saluer. La rue s'emplit de monde et c'est une minute bien émouvante que celle où Papa franchit enfin le seuil de la maison. L'officier qui l'accompagne en a lui-même les larmes aux yeux.
Dans l'après dînée, nous faisons cercle autour du prisonnier vraiment très gaillard après de telles épreuves et tout émus nous écoutons un premier récit des durs moments qu'il vient de vivre.
On projette pour dimanche une fête du retour. Depuis des semaines , les enfants répètent chansons et compliments.
Dimanche 24 sept Encore une heureuse journée.
Papa et Maman réunissent tous leurs enfants présents à la table de famille. Les petits chantent gentiment le retour de Bon-Papa à qui l'on offre, oeuvre d'Anna et de Flore, un fort beau souvenir de ce jour.
Avions sur la ville, combat. 2 bombes sur les prairies en bordure de la Lys. Vaches tuées.
Lundi Le commissaire d'Halluin est déporté en Allemagne.
Mardi La nuit dernière explosion de grenades à mains.
2 ss-off à loger pour plusieurs nuits.
Jeudi 27 septembre On apprend que l'explosion des grenades a causé 8 morts.
Dimanche 1er octobre Pas de viande cette semaine.
Un ss-off en logement quelques heures. Un autre la nuit.
Mercredi 4 Les Allemands exigent les caves de plusieurs maisons . Sur la place du marché et rue de Lille . Ils y apposent des pancartes indiquant que les caves servent d'abris en cas de raids d'avions.
Jeudi Des ss-off s'installent chez nous.
Le commandant de place aménage pour s'y retirer en cas d'alerte les caves de la maison de M Bernaert où il habite .
Dimanche 8 octobre Et toujours manque de viande.
pas de viande..... au moins officiellement car grâce aux fuites que les soldats opèrent dans leur propre abattoir nous ne sommes pas trop dépourvus. L'autre jour c'est tout un quartier que l'on s'est partagé en famille pour mettre dans la saumure. Seulement, il ne faut pas trop y regarder quant à la façon dont nos vivres voyagent.
Obligés de dissimuler leur marchandise aux yeux de l'ennemi les porteurs ne sont pas trop difficiles pour le choix des cachettes.
"Du fond de quelle culotte sort ce morceau-ci se demande parfois la cuisinière de l'un de nos amis ?"
Enfin, le feu purifie tout .
Mercredi 11 octobre
le paragraphe a été barré distinctement d'un trait oblique, il n'en empêche pas la lecture mais rien ne permet de savoir pourquoi. Nous le reproduisons

Monsier Biermé ayant obtenu un laisser passer pour Lille m'apporte aujourd'hui des nouvelles de Paul. Tristes , hélas ! Paul porté disparu le 26 septembre 1915 dans l'offensive de Champagne est considéré comme mort.. Madeleine.
Samedi 14 octobre 40 personnes dit-on sont mises en prison pour avoir omis de porter les oeufs de leurs poules à la commandanture .
Etienne Vuylstehe n'ayant pas levé le nombre d'oeufs voulu déclare que ses poules ne pondent pas suffisamment.
-" Elles doivent pondre !" lui répond-on.
Pour essayer de suggestionner ses pensionnaires, il placarde dans le poulailler cette impérative affiche.:
Ordre de la Kommandanture
Pondez !
Dimanche 15 octobre 40 grammes de viande par personne pour toute la semaine.
Lundi 16 octobre Les barrières très étroites enfermant la ville et que depuis longtemps nous ne pouvions franchir seront supprimées aujourd'hui et la circulation permise sur tout le territoire de Menin.
Ouf ! C'est toujours autant de gagné.
Raison de ces libéralités ?
Nous supposons que les soldats font défaut pour assurer notre emprisonnement.
Jeudi 19 Nouvel arrêté interdisant les lumières le soir. Nous recouvrons d'un store de papier les fenêtres de la salle d'enfants qui prennent jour sur la rue.
Les quelques rares becs de gaz qui trouent de loin en loin l'obscurité des rues sont recouverts de grands chapeaux en forme de champignons.
Vendredi Les Allemands emmènent des hommes à Courtrai, Mouscron pour exécuter certains travaux.
Aperçu de certains prix:
tissu coton très rare 1.65 au lieu de 0.65
café 12 frs le kg
haricots 2.40 le kg
savon noir 8 frs
sucre 6 frs
huile à manger jusqu'à 21 frs le litre
beurre 13 frs le kg
J'ai payé 22 frs une paire de chaussons pour Jean Marie et 14,50 au lieu de 6 frs auparavant des chaussures pour Thérèse.
Mardi 24 octobre 200 ouvriers sont désignés pour partir demain.
Destination : Werwicq dit-on.
Réquisition de 14 chevaux et 6 vaches.
Jeudi 26 On dit qu'on emmène à Courtrai les hommes sans distinction de classe . Pourvu que Menin n'imite pas cette exemple !
Je ne serai guère tranquille.
Vendredi 27 La tuile hélas s'apprête à tomber sur nos têtes. Voici que l'on annonce que les bourgeois seront aussi réquisitionnés ! Je tremble !
________ Le carnet s'arrête là bien qu'il comporte plusieurs autres pages blanches.